Non-human regeneration
Shared knowledge

BLOOMING GROUND

Anne Fischer

Acteur

Designer objet, Anne Fischer développe une démarche créative transdisciplinaire qui questionne les enjeux de notre société à travers le spectre du design. Face à l’urgence écologique, elle mêle recherche et production, en faisant appel à une diversité de disciplines pour construire des réponses esthétiques, sensibles et cohérentes. Par l’exploration des connaissances et techniques, séculaires et innovantes, autour de la matière, elle en révèle son potentiel et envisage des systèmes de production d’artefacts résilients contribuant ainsi à l’amélioration de l’habitabilité du monde. Ainsi, sa démarche créative sensibilise aux enjeux de notre société tout en s’inscrivant dans une dynamique résiliente et durable. Anne Fischer est actuellement pré-doctorante au sein d’EnsADLab dans le groupe « Symbiose, matériaux complexes, humains et environnement »

Action

BloomingGround est une plate-forme digitale participative qui cartographie les sites pollués en France et suggère l’usage des espèces végétales utilisées dans les procédés de phytoremédiation, ainsi que les usages potentiels de la biomasse issue de ces procédés. Ouverte au partage de connaissances et d’initiatives, son but est d’encourager le recours à ces procédés qui proposent une réelle alternative écologique, paysagère et économique face aux techniques de dépollution traditionnelles. Utilisant des espèces végétales capables de contenir, extraire ou dégrader les polluants présents dans les sols, la phytoremédiation produit une ressource renouvelable et singulière qui demande à être valorisée. Le projet Rising from its Ashes, présenté ici, propose une Action possible de la plateforme. Les plantes utilisées dans ce processus de phytoremédiation absorbent les métaux lourds polluants relâchés par un ancien site minier dans les Cévennes, seraient transformées en émaux, ce qui permettrait la valorisation de la tradition potière locale et une revitalisation de son patrimoine régional.

Rising from its Ashes © Design Academy d’Eindhoven, Photographe: Nicole Marnati, 2016

Rising from its Ashes, Vases d’Anduze © Anne Fischer, 2016

Les ressources minérales des Cévènnes ont amené l’industrie minière à se développer mais également une tradition potière. Les fameux Vases d’Anduze, créé au XVIIème siècle pour les agrumes de du Château de Versailles, sont restés comme le reliquat d’une période prospère pour la région et son artisanat. L’application de ces émaux sur les Vases d’Anduze, provoque la rencontre entre le passé industriel de la région et sa tradition potière, revitalisant un territoire et son patrimoine.

Carrelage - Déclinaisons d’émaux issus de Noccaea Caerulescens - 60x56 cm - Anne Fischer - 2016

Selon les scientifiques, 50 ans seraient nécessaires pour réhabiliter le site des Avinières à partir de la culture optimale d’Anthyllis Vulnéraria et Noccaea Caerulescens. Il est donc primordial de réfléchir à des activités économiques pérennes. Une utilisation abondante de ces plantes permettrait ainsi de prendre en charge leur culture, récolte et transformation. Dans cette perspective, une production industrielle peut être envisagée. C’est ce qu’illustre l’application de ces émaux sur des carreaux de carrelage.

Rising from its Ashes, Recherches: Fleurs séchées, fragments et échantillons émaux © Anne Fischer, 2016

Sites et sols pollués en Frances, © Anne Fischer, 2016

Blooming ground and Rising from its ashes

Les activités industrielles ont marqué, réorganisé et façonné leur territoire. Laisse très souvent lors de leur arrêt un paysage post-industriel qui renvoie une image négative avec des conséquences néfastes au niveau environnemental, sanitaire et socio-économique, qui pèsent sur les esprits avec un sentiment d’échec d’une industrie qui faisait pourtant la fierté de tous. S’il est nécessaire de garder une trace de leur existence, ne serait-ce que dans la perspective des usages futurs de ces lieux, il est indispensable de trouver un nouvel équilibre pour ces territoires.

Le code de l’environnement impose la mise en sécurité et la réhabilitation de ces sites d’exploitation industrielle ou agricole présentant des risques, mais cela n’a pas toujours été le cas. Face aux enjeux que constituent ces friches industrielles, de multiples solutions de réhabilitation existent, mais leurs conséquences sont parfois plus dommageables que la pollution elle-même. Parmi ces techniques, la phytoremédiation utilise des espèces végétales capables de contenir, extraire ou dégrader les polluants présents dans les sols. La nécessité de promouvoir ces techniques, capables de dépolluer ces sites et de ramener la vie dans des sols en train de mourir, est donc essentielle. Sur les territoires urbanisés, la pression foncière renforce le besoin de réhabiliter ces sites et amène les décideurs à choisir des techniques rapides et peu coûteuses face aux bénéfices à venir, mais il n’en est pas de même pour les territoires ruraux. Néanmoins, pour l’un comme pour l’autre, on peut se questionner sur le futur plus lointain de ces sites, du devenir de leur paysage post-industriel, de leur mémoire, leur identité, mais aussi sur l’artificialisation croissante de nos sols. A l’heure où l’on met en évidence l’importance d’un retour de la nature en ville et des espaces végétalisés, des corridors écologiques, de la perte de biodiversité et leurs conséquences, la phytoremédiation apparaît comme une aubaine dans une dynamique de reconversion de ces sites pollués. Entre la limite que constitue la temporalité et le manque de valorisation de la biomasse produite par la phytoremédiation, il s’agit de transformer ces contraintes en atout. La ressource renouvelable et disponible sur des périodes relativement longues, générée par ces procédés, permet d’envisager de nouvelles activités économiques basées sur sa transformation.

L’enjeu des techniques de phytoremédiation est avant tout écologique et sanitaire, afin de régénérer le site, et donc de réhabiliter le territoire. Il est clair que sans perspective économique il est plus difficile d’envisager le recourt à ces techniques. Peut-être faut-il penser la phytoremédiation comme un outil de développement du territoire qu’il est nécessaire de s’approprier dans une démarche collective pour espérer en révéler la valeur ajoutée. Les bénéfices seraient alors multiples et notamment économiques. Face à l’enjeu des sites et sols pollués, la plate-forme www.BloomingGround.fr a été pensé comme un outil participatif. Collectant un maximum d’informations en un seul lieu accessible à tous, ce site propose de découvrir, de comprendre, de se laisser convaincre par ces procédés mais aussi de trouver des informations nécessaires au développement de ces techniques. Ouverte au partage de connaissances et d’initiatives, son but est d’encourager de nouvelles collaborations, les procédés de phytoremédiation et d’inspirer de nouveaux modèles économiques. Ainsi le projet Rising from its Ashes, présenté ici, propose une initiative, parmi tant d’autres, valorisant ces plantes en tenant compte du contexte singulier d’une ancienne mine cévenole.

La phytoremédiation et la valorisation nécessaire de la biomasse générée sont donc une opportunité pour les territoires post-industriels. Elles permettent de préserver, redécouvrir, revaloriser les connaissances et savoir-faire traditionnels locaux à travers des techniques innovantes. Et symbolisent ainsi une certaine modernité résiliante, capable de régénérer un territoire ainsi que les notions d’identité, de patrimoine et de terroir qui s’y rattachent.

PLANTES

Certaines plantes ont la capacité d’absorber ou de dégrader nombreux de ces polluants. Elles sont utilisés dans des techniques de réhabilitation des sols appelées: phytoremédiation.

PHYTOSTABILIZATION

Mécanisme de maintient des polluants sur le site par les végétaux

PHYTODEGRADATION

Mécanisme de capture et de dégradation des polluants par l’action combinée des végétaux et des microbes du sol.

PHYTOEXTRACTION

Mécanisme qui permet l’accumulation des polluants dans les parties aériennes des éspèces végétales avant leur récolte

PHYTOMETABOLISM

Mécanisme qui utilise les nutriments des polluants pour la croissance des végétaux

PHYTOVOLATILIZATION

Mécanisme qui permet la libération progressive des polluants absorbés par les plantes sous forme de gaz

VALORISATION

Si la phytoremédiation peut nécessiter des décennies, alors il est essentiel d’explorer dès maintenant les valorisations possibles des espèces végétales utilisées en développant de nouvelles économies basée sur ces procédés de valorisation